jeudi 11 juin 2015

La personnalité de l'inconscient



Sancho Panza, Blaze et la soubrette

L'inconscient avance masqué. Il joue au débile, mais une histoire le fait penser à une autre histoire qu'il a déjà vécue et il a beaucoup d'expériences parce que, pour voyager plus léger, le conscient l'a chargé de sa mémoire. Comme Sancho Panza à Don Quichotte, il lui arrive de dire au  conscient : « Eh, arrête-toi ! ça, on peut faire ; ça, on peut pas faire. » Le conscient ne l'écoute pas souvent. Aussi, L’inconscient et son maître ruiné se retrouvent parfois dans l'officine d'un magicien qui promet au conscient de l'aider à récupérer l'or qu'il a perdu par sa présomption. Et L’inconscient de penser : « S'il m'avait écouté !... »

Mais il se tient silencieux, à son rang. Il s'occupe de la logistique : respiration, digestion, circulation et mémoire, pour autant que le conscient lui en donne les moyens. Même si ses moyens sont faibles, il fera au mieux. Il est dévoué. L’inconscient est un méditatif actif. Il engrange des millions d'informations à chaque seconde, les décante, les compare et les associe selon leurs ressemblances et leurs analogies (oh! il n'a pas l'intelligence si rationnelle de son maître !). Il n'arrête pas de travailler, de jour et de nuit, et s'arrange pour que tout soit prêt dès que le conscient en aura besoin. 
L’inconscient ressemble à Blaze (Yves Montand) au service de Don Salluste (Louis de Funès) dans La Folie des grandeurs. Ce dernier aurait dû faire attention, parce qu'en définitive, c'est toujours celui qui assure la logistique qui l'emporte sur le stratège, si ce dernier est trop irréaliste. Toute la névrose est là, et sa solution.

Sans vouloir le vexer, l’inconscient ressemble encore plus à une soubrette de Molière qu'à Sancho Panza ou à Blaze. Ceux-ci ont une certaine agressivité envers leur maître, que n'a pas l’inconscient, bien au contraire. La soubrette de Molière entend tout, voit tout, est au courant de tout et dans une situation complexe, saisit rapidement l'essentiel et la direction à prendre grâce à son bon sens. Quand le maître s'entête dans un projet absurde, elle s'arrange pour le faire échouer en montant des stratagèmes avec des complices qu'elle s'assure, voire en se déguisant. S'il lui arrive de lutter contre son maître, c'est parce qu'elle l'aime bien, quelque misanthrope, avare, ridicule ou mesquin qu'il soit. Elle lui rend service. Pourtant, son royaume visible n'est que la cuisine, le ménage et ainsi peuvent avorter les projets conscients les plus au point, parce que la soubrette les a jugés sots. 

Depuis que j'ai compris cela, je n'ai plus peur de mes gaffes : c'est l’inconscient qui a agi et m'a sauvé la mise. Voilà pourquoi en hypnose, nous racontons autant d'histoires et d'anecdotes à nos patients. Nous parlons alors avec l’inconscient, Sancho Panza, Blaze ou la soubrette. C'est mieux que de parler avec le conscient, Don Quichotte, Don Salluste ou Alceste. C'est plus primaire, mais plus chaleureux, plus réaliste, plus paisible et on sait mieux où on va, même si on n'en a pas encore une idée précise.

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Extrait de “Erickson, hypnose et psychothérapie”, Dr Dominique Megglé (pp 72-77)


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